Inédit – Etude GIPA : 800 carrossiers scannés… et psychanalysés !

Même si elle est déjà inédite par sa taille et par sa profondeur, c’est aussi l’utile et passionnante psychanalyse d’une profession que nous livre cette nouvelle étude du Gipa. Elle a certes ausculté en détail 800 carrosseries de toutes tailles et de toutes natures. Mais elle a aussi −et surtout− sondé les cœurs et les âmes de 800 patrons carrossiers…

S’il est une étude sur les carrossiers qu’il ne faut surtout pas rater quand on est acteur du secteur, c’est sûrement celle-là. Toute fraîche sortie des ateliers du Gipa elle vient, pour la première fois, de scanner un inédit panel de 800 carrossiers, indépendants et sous réseaux (RA1, RA2, sous enseignes distributeurs ou peinture). Dans tous les cas de figure, ils sont donc assez nombreux pour être statistiquement représentatifs, même à l’échelle de la plus petite des enseignes. Et il s’agit là de 800 carrossiers résolument “actifs” car sélectionnés selon deux critères indiscutables : avoir au moins une cabine de peinture et réaliser au moins 50% de son chiffre d’affaires en réparation-collision.

A son habitude, le Gipa descend évidemment dans une foultitude de détails dont la caractérisation des acteurs (effectifs opérationnels, types d’équipements, nombre d’agréments ou pas…), la structure du CA (pièces/MO, activité hors assurance, part de la tôlerie, de la mécanique ou du vitrage, coût moyen sinistres…) et bien sûr, la typologie des entrées-atelier (nombre, valeur, taux de VEI, expertises “physiques” ou à distance, part des apporteurs d’affaires…). Sans oublier les sources d’approvisionnement, les lieux d’achat et même le pourcentage de remplacement ou de réparation des pièces de choc, qu’elles soient neuves ou d’occasion…

L’inespérée dimension humaine

Mais si cette étude fondatrice du Gipa, forte d’une centaine de “slides” chiffrés, est probablement l’une des plus complètes photographies jamais produite sur le secteur, elle recèle une autre séduisante vertu : elle fait aussi –et c’est une première– le tour des constats des carrossiers et de leurs attentes-métier. Et c’est bien là l’autre raison de se procurer urgemment ce document : en plus du scanner des chiffres, il y a là toute la psychologie d’une profession. Le Gipa lui a tendu 800 divans et 700 carrossiers s’y sont volontiers installés pour s’y raconter, eux réputés bourrus et “taiseux”. Ils ont ainsi alimenté un précieux et inédit verbatim. Autant de confidences qui débouchent sur une passionnante «psychanalyse» d’un métier qui en a bien besoin, lui qui se vit encore comme aussi “à part” qu’incompris.

Car en écoutant Odette Dantas, directrice France du Gipa, nous présenter la méthodologie de cette étude −et même si elle ne nous en a évidemment révélé aucun détail précis−, nous avons pu acquérir une conviction : les carrossiers y apparaissent tels qu’ils sont, tels que nous les connaissons bien à Apres-vente-auto.com, eux qui sont devenus de grands contributeurs de notre site.

Parce qu’ils se révèlent, dans cette étude, bavards de leurs souffrances comme de leurs espoirs, un conseil donc : que les assureurs, experts indépendants ou d’assurance, plateformes de gestion de sinistres et autres apporteurs d’affaires s’y plongent vite. Ils pourraient ainsi les écouter. Nous oserons même dire : les entendre enfin, par-delà les filtres autistes de leurs statistiques assurantielles, expertes, Sidexiennes ou d’Arvaïennes. Au-delà d’autant de ces prismes érigés en tout-puissants Augures jusqu’à leur obscurcir si souvent l’élémentaire empathie nécessaire à une pleine compréhension humaine. Les 100 pages de cette étude passionneront tout aussi bien les fédérations professionnelles, les têtes de réseaux et autres sociétés de services qui y trouveront peut-être aussi le terreau d’une refondation de tout un métier.

Des pistes de croissance

Il y a bien sûr les carrossiers qui restent enkystés dans leur regretté “bon vieux temps”. Quand il y avait plus de verglas, plus de pluie, plus de neige, moins de répression routière et donc plus d’accidents, plus de business, moins de contraintes administratives, etc., etc. Mais il y a aussi et surtout ceux qui réfléchissent sur leur métier (ce sont aussi les mêmes), sur leurs relations avec les acteurs qui le conditionnent, sur leurs visions des consommateurs, sur leurs axes de diversification.

Plus que révoltés ou vindicatifs, ils se montrent bien sûr inquiets et malheureux de leur relation dégradée avec les assureurs et les experts, de ce fossé qui se creuse quand ils espèrent juste un surcroît de flexibilité, une meilleure prise en compte de leur réalité. Ils manifestent leur besoin d’une latitude simplement respectueuse, leur permettant de travailler dans les règles de leur art.

Ils souffrent évidemment d’être poussés dans cette seule case financière qui les résume au rôle “d’agents économiques” toujours trop chers, toujours trop lents, toujours trop coûteux parce que toujours trop perfectionnistes. Mais c’est parce qu’ils sont fiers de leur métier, de leur geste technique, de leurs spécificités, de leur rôle. De tout ce qui fait d’eux des artisans différents, des “presque artistes” capables de ce grand écart qui nourrit ce qu’ils ressentent comme la noblesse de leur métier : remettre sur la route, avec toute leur superbe apparence et toute leur fiabilité technique, de la plus ancienne des guimbardes à la plus récente des merveilles technologiques.

Et quand l’étude leur demande de s’exprimer sur les leviers de croissance à activer, les voilà massivement prolixes et rassurants. 9 sur 10 identifient une ou plusieurs pistes de croissance qui sont autant de fenêtres de tir. Car malgré toutes les difficultés conjoncturelles ou structurelles qu’ils subissent, ils y croient encore. Malgré leurs éreintant efforts d’organisation et de productivité pourtant déjà inédits dans le monde de la réparation. Malgré le fait qu’on les caricature inlassablement, chez les assureurs et les experts d’abord, comme d’indécrottables cancres incapables de se plier aux exigences productivistes d’un monde gouverné par les seuls chiffres et profits d’un amont qui les avalent et les ravalent.

On constate d’ailleurs dans cette étude la forte pertinence des réseaux de carrossiers : sur le terrain de la vision de leurs enseignes, les carrossiers concernés manifestent une grande unanimité de leurs réponses, souligne Odette Dantas, comme une preuve “en creux” d’une grande maturité des enseignes et d’une grande discipline des adhérents. A ce titre, même les réseaux d’entretien-réparation y trouveraient peut-être des buts à atteindre, eux qui ne sont souvent qu’à l’orée des pistes organisationnelles défrichées depuis longtemps par les carrossiers…

Oui, ils sont 9 carrossiers sur 10 à s’imaginer de multiples avenirs qui correspondent d’ailleurs souvent aux plans de marche des enseignes. Ils parlent façons de mieux prendre en compte le consommateur, de se diversifier dans le VO, vers les parcs flottes, dans la location ou même dans la prestation purement et simplement “mécanique”. Ils ne répudient d’ailleurs pas nécessairement les agréments ou les plateformes de gestion de sinistres : ils savent la nécessité des apporteurs d’affaires et même des donneurs d’ordres, pourvu que ces derniers sachent donner ces ordres sans ordonner plus que la légitime rétribution justifiée par leur apport de business.

Le hors assurance  à “réveiller” selon le Gipa

Ils pressentent aussi les potentiels de la carrosserie rapide, du débosselage, du hors assurance… de toute cette “bobologie” automobile, comme la qualifie joliment le Gipa. Comme autant de terres encore vierges, inexplorées car occultés par la pression tarifaire et normative qui les pilonne, de jours besogneux en nuits sans sommeil, sur le terrain érigé prioritaire des coûts de la sinistralité.

Et c’est là l’autre petit miracle de cette étude du Gipa. La réparation-collision que l’on croit exsangue, confinée dans une inéluctable récession, est peut-être bien le marché après-vente au potentiel de croissance le plus fort. Qui n’attend que d’être exploré et exploité. Un potentiel qui pourrait atteindre 10%, pourvu, souligne le Gipa, que les attentes des consommateurs aux portières rayées, aux ailes bousculées, aux pare-chocs abimés, aux optiques ternies par les UV, aux franchises trop élevées, croisent des offres qui restent à inventer. Tout ce hors assurance que le Gipa a voulu évaluer dans une autre récente étude et qui éclaire un inespéré Eldorado : les fruits des petits chocs oubliés s’y cueilleraient par millions et les accidents non déclarés s’y pècheraient par centaines de milliers…

D’ailleurs, le Gipa compte bien, dans sa prochaine étude consommateurs sur l’entretien-réparation qui démarre en avril prochain, explorer là aussi pour la première fois les attentes de ces consommateurs qui laissent leurs carrosseries écorchées par peur de facturations a priori réputées trop élevées, par certitude que le hors assurance reste aussi financièrement hors d’atteinte.

Alors, on se prend à rêver. Le rapprochement du consommateur et du carrossier ne passera peut-être pas seulement par le libre choix. Il pourrait tout aussi bien émerger de la mise en adéquation entre besoins inassouvis des automobilistes et prestations mieux calibrées des carrosseries.

Que les assureurs les premiers, leurs experts trop asservis ensuite et les têtes de réseaux aussi se ruent vite sur cette centaine de bonnes pages. Ils y trouveront des clés qui peuvent concourir à rendre sa mobilité créative à toute une profession harassée par des années de mise en coupe réglée. Dont cette clé qui lui manque le plus pour pouvoir sourire malgré la pluie de contraintes qui l’éreinte : l’espoir.