Bruxelles propose un règlement révolutionnant le système d’homologation actuel

Comme l’avait promis la commissaire européenne au marché intérieur et à l’industrie, Elzbieta Bienkowska, l’exécutif européen a présenté hier un projet de règlement renforçant considérablement le système d’homologation des véhicules et créant un système de contrôle permanent de leur conformité.  

En décembre dernier, s’exprimant sur l’affaire Volkswagen et le système d’homologation en Europe, Elzbieta Bienkowska déclarait qu’il fallait “davantage de surveillance au niveau européen, des mécanismes de contrôle efficaces, ainsi qu’une meilleure qualité et une plus grande indépendance pour les tests de véhicule”. Elle avait d’ailleurs promis de présenter une procédure législative dans ce sens. C’est chose faite et son contenu démontre cette fois la détermination de Bruxelles à ce qu’une affaire comme celle de Volkswagen ne puisse plus jamais se reproduire en Europe.
Le projet de règlement présenté hier par la Commission européenne réforme en profondeur le système de réception des véhicules pour répondre à trois objectifs : assurer l’indépendance des tests, surveiller en permanence la conformité des véhicules et créer un système de contrôle européen.

Modifier le mode de rémunération des laboratoires d’essai
Aujourd’hui, les services techniques (type UTAC en France) et les laboratoires en charge de vérifier la conformité des véhicules avec les normes européennes sont directement payés par les constructeurs. Estimant que cela peut “donner lieu à des conflits d’intérêts et compromettre l’indépendance des essais“, la Commission souhaite modifier ce système de rémunération et éliminer tout échange direct entre constructeur et laboratoire. Elle propose que les frais soient désormais collectés par les Etats membres à partir “d’une taxe nationale globale couvrant les coûts des essais et des inspections effectués par les services techniques qu’ils ont désignés“. Cette taxe devra également couvrir les coûts de la certification d’homologation et les activités de surveillance du marché.
Pour conserver leur “agréement” national, les services techniques devront en revanche répondre à des critères de performance plus stricts. Ils seront régulièrement audités par des experts nationaux et européens et en cas de faille, la Commission européenne pourra suspendre ou retirer leur agréement.
Les autorités nationales en matière de réception, comme le CNRV en France ou le KBA en Allemagne, seront eux aussi audités par leurs homologues de façon à ce que les règles soient appliquées de façon homogène dans l’Union Européenne. 

Contrôler les véhicules en circulation
Autre nouveauté apportée par ce projet : rendre obligatoire des contrôles réguliers des véhicules déjà en circulation. “Il sera ainsi possible de détecter la non‑conformité à un stade précoce et de veiller à ce que des mesures correctives immédiates et vigoureuses soient prises à l’encontre des véhicules qui s’avèrent être non conformes et/ou représenter un risque grave pour la sécurité ou une nuisance grave pour l’environnement”, explique la Commission. Si un problème est détecté dans un Etat membre, les autorités nationales pourront “décider de demander un rappel ou, dans les cas graves, le retrait complet du marché”. Il s’agit là encore d’une évolution importante puisqu’aujourd’hui, ce type de décision ne peut être pris que par l’Etat membre dans lequel la réception par type a été accordée. 

Des amendes pouvant aller jusqu’à 30 000 euros par véhicule
Mais les autorités nationales ne seront pas les seules à effectuer ces contrôles. La Commission européenne effectuera elle aussi des tests réguliers sur des véhicules en circulation (via son Centre Commun de Recherche). En cas de problème, elle pourra d’ailleurs procéder à des rappels et appliquer des sanctions conséquentes. Un constructeur qui ne respecte pas la législation risquera une amende de 30 000 euros par véhicule. Les services techniques qui n’auront pas réalisé les tests de façon rigoureuse se verront eux aussi sanctionnés d’une amende dont le montant variera selon la gravité du cas. 

Un texte pour rassurer les députés européens
Enfin, le projet de règlement impose aux constructeurs de “donner accès aux protocoles des logiciels de leurs voitures” et de “divulguer leur stratégie de réduction des émissions, comme cela est le cas aux Etats-Unis“. 
Cette dernière mesure vient “compléter l’ensemble des règles relatives aux émissions en conditions de conduite réelle (les normes RDE, NDLR)”, souligne la Commission européenne. Ce n’est d’ailleurs pas neutre si l’exécutif européen a présenté son projet de règlement aussi rapidement ; il lui fallait en effet prouver sa volonté de renforcer le système d’homologation actuel pour convaincre le Parlement européen de ne pas faire jouer son véto début février sur les normes RDE.
Mais cela ne suffira peut-être pas. Dans un communiqué, la députée écologiste Karima Delli, salue la proposition de la Commission mais  appelle à nouveau les députés à rejeter le texte relatif aux futures normes RDE. Pour la députée, qui est également membre de la commission en charge d’enquêter sur la responsabilité de la Commission européenne dans l’affaire Volkswagen, le texte présenté par l’exécutif “est un premier pas pour briser les liens incestueux qu’entretiennent l’industrie automobile et les autorités nationales d’homologation financées par les premières“. Toutefois, ne pas s’apposer au texte RDE présenté en octobre dernier serait encore donner “une amnistie pour le secteur automobile qui a eu tout le temps nécessaire pour se conformer à la législation”. “Au lieu de cela, certains constructeurs ont abusé du système pour empocher un maximum de bénéfices voire développer des techniques frauduleuses“, rappelle-t-elle.