Sondage Ifop/IDGarages : et si les garagistes inspiraient en fait…confiance ?
L’image de la réparation automobile, c’est la vieille histoire de la bouteille à moitié vide ou à moitié pleine. Et c’est bien la même histoire que raconte le récent sondage Ifop.IDGarages au titre ambitieux : « Les Français et les garagistes ». 86 % des automobilistes ont confiance en « leur » garagiste, mais seulement 48 % en « les » garagistes. Comment diable une telle différence est-elle possible ?
Il a un beau mérite, ce sondage Ifop/IDGarages sur «les Français et les garagistes» : celui de forcer à réfléchir sur les raisons du désamour, réel ou supposé, entre réparateurs et consommateurs. Il intervient en outre fort à propos, après une vilaine campagne de presse issue d’une étude étonnamment partisane de la DGCCRF annonçant urbi et orbi un inquiétant taux infractionnel, mais finalement artificiellement hypertrophié, de 38,85 % chez les réparateurs !… Laquelle étude arrivait en surinfection peu de temps après le lancement officiel du service Allo Mécano d’AXAsurfant sur la mauvaise image du réparateur automobile. Souvenez-vous : il promet de revisiter à la demande les devis d’entretien-réparation en expliquant que, tantôt pour 20 %, tantôt pour 40 %, puis finalement pour bien moins, les cotations des pros sont excessives…
C’est certes un fait : le réparateur est assez souvent suspect. Mais à lire les conclusions du sondage Ifop, on comprend combien la chose est complexe et les conclusions, souvent hâtives : d’accord, seulement 48% des consommateurs interrogés font confiance aux garagistes en général ; mais 86 % font aussi confiance à “leur” garagiste habituel.
Cette étrange dualité (un fort taux de confiance à son réparateur contre une suspicion majoritaire envers tous les réparateurs automobiles en général) n’est pas nouvelle. La nouveauté, c’est que ce sondage l’explique en mettant en évidence cette réalité occultée : le sentiment d’infériorité désarmée que ressent le consommateur face au technicien-réparateur qui, lui, maîtrise la technologie. Ce sentiment prend une partie de sa source logique dans le peu de plaisir que ressent un client lambda à emmener sa voiture en entretien ou en réparation avec une facture à la clé ; mais surtout, dans la crainte très humaine du profane face à la compétence unilatérale du “sachant” qu’est le réparateur…
Car c’est bien ce que le sondage démontre dans sa seconde partie lorsqu’il hiérarchise les différents critères de choix du “bon garagiste”. La maîtrise du budget domine certes : «Le fait qu’il ne vous pousse pas à la consommation, ne vous incite pas à effectuer des réparations supplémentaires» arrive en tête à… 94%. Plus de la moitié des répondants -53 %- considèrent même cela comme «très important» ! Mais l’autre critère −et à quasi-égalité− c’est bien la capacité à expliquer et justifier le geste technique au consommateur suspicieux car béotien : «une bonne communication de la part du garagiste, sa capacité à fournir des explications claires sur les réparations à faire» sont ressenties comme importantes pour 93% du panel. Et là encore, 53 % les jugent même comme «très importantes» ! Un seul tout petit point d’écart entre le besoin d’un coût maîtrisé et l’attente de l’effort d’explication…
Le bon garagiste, comme le bon médecin…
Et c’est subitement évident : ce qui sépare le bon du mauvais garagiste dans l’esprit du consommateur est bien plus subtil qu’une bonne ou une mauvaise réparation. C’est dans sa capacité à vulgariser l’information et à rassurer le consommateur qu’un réparateur peut faire la différence. Celui-là saura déverrouiller la méfiance pour inspirer la confiance. Il doit être pour l’automobiliste ce que le bon médecin est pour son patient : capable d’expliquer et de rassurer, de convaincre de ce qui doit être fait comme de ce qui peut être différé ; voilà qui semble donc être presque aussi important que de bien doser le traitement, humain comme mécanique.
La meilleure preuve que c’est d’abord la méconnaissance du consommateur pour la chose mécanique qui devient au final le pire ennemi de l’image du réparateur ? Toujours selon ce sondage Ifop, le troisième critère important de choix d’un garagiste, c’est «le bouche à oreille, la recommandation par des personnes de votre entourage» et ce, pour 89 % ! Et c’est un fait que lorsque l’on est soi-même incapable d’évaluer la technicité et la compétence réelle d’un praticien de métiers complexes qu’il faut pourtant bien solliciter (médecin, banquier, notaire, avocat… ou réparateur), la suspicion préside a priori. C’est alors l’expérience d’un tiers qui va souvent déterminer la confiance et le choix.
Alors certes, les vrais problèmes existent. Le sondage souligne ainsi que 77 % des consommateurs ont déjà été confrontés à au moins l’une de ces situations qui semblent bien traduire des excès.
Mais reprenons un instant l’essentiel de ces mauvaises expériences ci-dessus dans l’ordre. Les réparateurs vont se reconnaître : ne sont-ils pas également nombreux, les pros qui déplorent que le consommateur n’ait pas voulu comprendre la nécessité de changer une pièce connexe à une réparation prévue ? Les réparateurs qui ne peuvent que subir l’attente d’une pièce “rare” au détriment de la promesse initiale de restitution d’un véhicule ? Les réparateurs qui ont pu faire douter le client sur leurs compétences parce qu’une information technique leur manque pour finaliser une réparation ? Ou pour une panne que même le constructeur ne sait expliquer ? Ou parce qu’ils n’ont pas su prévenir à temps d’une nécessaire intervention complémentaire ? Et arrêtons-nous sur ce «mauvais accueil du garagiste» : il y a aussi ces clients qui arrivent quelques minutes avant la fermeture pour exiger une intervention toutes affaires cessantes…
Il y a probablement, dans ces 77 % de mauvaises expériences, une partie de simples ressentis, de jugements hâtifs, même si cela n’exclut pas de réels abus de réparateurs qui ne sont évidemment pas tous des anges.
Le sondage Ifop a donc cette rassurante vertu : il montre que si le réparateur sait seulement expliquer sa prestation, au moins autant qu’il doit savoir prendre en compte le budget du client, il a toutes les chances de faire partie des 86 % de ces “garagistes confiance”. Et qu’il peut ainsi faire mentir les vilaines caricatures exploitées à des fins commerciales par des services racoleurs tel qu’Allo Mécano, ou les injustes conclusions tronquées, mais hélas diffusées et reprises tous azimuts en l’état, de la récente et désolante enquête de la DGCCRF…