Réparateurs : A vos marques !

Voici la suite de notre enquête sur la fidélité des garagistes : nous voulions savoir si les marques leur parlaient encore. Nous avons donc réalisé un sondage sur le mois d’avril. Un journaliste a tout d’abord interrogé par téléphone 450 réparateurs répartis sur tous les départements de l’Hexagone, et couvrant l’ensemble des enseignes des groupements ainsi que des indépendants.  Leurs réponses édifiantes ont ensuite été livrées aux principaux acteurs du marché, équipementiers et groupements de distribution, qui ont décrypté les tendances lourdes de notre sondage dans le cadre d’une table ronde organisée par les journalistes de Zepros Auto. 
Pour les équipementiers, il y a urgence à recréer un courant qui ne passe plus réellement avec le réparateur (lire aussi : Réparateurs, les équipementiers vous parlent – Auto Zepros d’avril). Reste à savoir jusqu’à quel point le fil était coupé… Pour répondre à cette question existentielle pour les fournisseurs, Zepros Auto a demandé à 500 réparateurs si les marques leur « parlaient » encore. Revue de détail des réponses :
 
• Les marques ont-elles de l’importance pour vous ?
Pour 60 % des sondés, la réponse a été « non » ! Ainsi, à peine deux réparateurs sur cinq continuent de s’intéresser à la marque qu’ils montent. 
Plus inquiétant encore, 89 % ont « avoué » ne pas être fidèle à une marque. Et pour les 5 % qui affirment tout de même leur fidélité, c’est en grande partie sous « l’influence de mon distributeur ». 
Rien d’étonnant donc qu’à peine un garagiste sur cinq a pu spontanément nous citer sa marque préférée ! Et seules sept marques sont sorties du lot. Bosch a été la marque la plus citée pour « sa qualité et son taux de couverture du parc ». Schaeffler et LuK arrivent quasiment à égalité avec Bosch. 
À la qualité est ajouté l’intérêt pour sa formation. Vient ensuite Valeo, choisit notamment « pour l’intérêt des opérations de promotions ». 
Enfin, Monroe, Purflux et Delphi ferment la marche. La sortie des marques du viseur des réparateurs est donc très marquée. Sauf que…
 
  •  Travaillez-vous plutôt avec des marques premium ou alternatives ?
Pas d’ambiguïté : 72 % des pros interrogés restent accrochés à la référence premium. Ils arguent d’une meilleure qualité, « de meilleure marge ». 25 % au contraire disent privilégier dès qu’ils le peuvent les pièces de marques alternatives. « Les tarifs avantageux » est l’argument le plus cité, suivi du constat « elles sont aussi bien que le premium », pour finir sur « le distributeur me le propose ». Enfin, 3 % naviguent entre les deux. Mais si près de trois quarts des réparateurs restent sur du premium, on note une relative poussée de la marque privée (MDD).
 
• Utilisez vous les marques distributeur ?
59 % les utilisent et expliquent que c’est encouragé par leur distributeur. Mais une fois le pas franchi, ils ne le regrettent pas, estimant que « le niveau de qualité est bon » et constatant « l’absence de problème technique ». A contrario, 41 % résistent faute d’avoir confiance dans la qualité et n’y voyant pas d’intérêt financier.
« Si la qualité est là, la marque n’a pas d’importance »
Les pros interrogés se déconnectent donc de plus en plus des marques. Les participants à la table ronde reconnaissent que la tendance est bien là. Mais la faute à qui ? En premier lieu, à ceux– équipementiers et distributeurs – qui ont déserté le terrain. « Beaucoup d’équipementiers qui appartiennent à des fonds de pension non européens n’ont plus qu’un seul objectif situé en bas de page. À cela s’ajoute que les enjeux de première monte sont colossaux, empêchant certains à se concentrer sur le SAV. Chez Bosch, nous n’avons pas pris ce chemin. Formation, information et présence terrain sont les trois clés évidentes que nous tenons à maintenir », affirme Thierry Leblanc (Bosch).
 
Assurer le SAV 
En second lieu, la faute à la pression du marché sur les prix. « Je déplore l’équipementier qui ne sait faire que de la remise immédiate pour gagner de la part de marché supplémentaire. Qu’il continue, le mur n’est pas loin ! », regrette Philipe Baudin (Schaeffler), qui a toujours plaidé pour un fort marquage terrain. « On est plutôt tenté d’aller vers la formation et l’information auprès des garages, qui à mon avis est beaucoup plus porteur. » Il y un an et demi, le groupe a lancé le Schaeffler Lab : un laboratoire d’une trentaine de réparateurs qui teste les offres et fait remonter les desiderata du terrain. « Les premiers éléments qu’ils nous demandent de mettre en avant sont l’information et le service, vient ensuite la qualité des produits suivie de la proximité et enfin le prix », complète-t-il.
 
  • La disponibilité est fondamentale
Enfin, troisième vecteur à desservir la marque : l’accélération du business qui ne laisse plus de temps du choix ! « Le réparateur veut avoir la pièce tout de suite. Certains vont même jusqu’à commander chez plusieurs fournisseurs, et le premier qui livre fait la vente. Dans ce cas, la marque qui gagne est celle stockée par le distributeur. Et là, la notion de marque disparaît totalement. En revanche, lorsqu’il fait de la réparation plus à froid, il va plus prendre le temps, être plus « auto-economicus » : regarder combien ça va lui rapporter, comment il peut positionner ce devis par rapport à son client », décrit Yann Gyssels (Yakarouler). La disponibilité fait donc fondre le cœur de la marque. « Dans un monde de plus en plus compliqué, la supply chain va devenir absolument fondamentale. Sans avoir ni l’intention ni les moyens de livrer en direct, nous, marques premium, devons nous demander comment faire passer les messages auprès des consommateurs qui sont sensibles à la marque. » 
  • Les constructeurs arrivent
Le consommateur prescripteur qui passe ainsi le relais au réparateur qui à son tour va convaincre le distributeur…
Reste que Thierry Leblanc estime nécessaire de relativiser la fin des marques : « S’il y a un désintérêt dans la marque, pourquoi aujourd’hui les constructeurs français viennent-ils frapper à la porte des équipementiers premium pour leur demander leur marque ? », Et effectivement, l’actualité récente de PSA voulant se lancer dans la distribution de marques équipementières, pourrait bien relancer le débat.
 
  • Les réparateurs infidèles
Le point noir de notre sondage : quasiment neuf réparateurs sur dix affirment leur infidélité. « Si le réparateur a la bonne pièce au moment voulu, quelle que soit la marque, il la prend. Donc il n’y a pas de fidélité », confirme Luc Azilinon (Originauto.com). D’où la multiplication des opérations des équipementiers pour recréer du lien avec leur client réparateur. Les leviers utilisés : la formation, les « clubs » et la présence terrain. « C’est aussi pourquoi nous avons lancé il y a trois ans un programme de fidélité. On y investit de plus en plus d’argent car on estime que c’est vers cela qu’il faut que l’on arrive. Extra n’est pas qu’un programme de rémunération de la fidélité des MRA, c’est également un programme destiné à faire passer de l’information, de la formation », explique Thierry Leblanc (Bosch).