Embellie sur les métiers manuels

Embellie passagère, ou amorce d’un vrai changement de statut pour les métiers manuels – et pour les formations qui y préparent ? Longtemps affublées d’une réputation de cursus au rabais ou de voies choisies « par défaut », ces formations attirent, depuis quelques années, des jeunes titulaires d’un bac généraliste.

Les raisons de cette évolution sont multiples. Les campagnes en faveur de l’artisanat, les reportages sur les métiers d’art ou encore les émissions de télévision consacrées à la cuisine finissent par susciter des vocations. Idem pour des opérations comme les Olympiades des métiers, qui valorisent le travail de jeunes professionnels dans une foule de professions allant de la coiffure à la tôlerie en passant par la pâtisserie.

« Certains voient dans ces métiers le moyen de créer leur entreprise, d’autres une sorte de garantie d’emploi, ou encore un tremplin pour faire carrière au sein de grands noms du luxe ou de la construction. Quelques-uns, enfin, espèrent trouver une forme d’indépendance grâce à une expertise dans un domaine pointu, explique David Abonneau, maître de conférences à l’université Paris-Dauphine. L’idée que l’artisanat peut être un facteur de réussite fait son chemin. »

« Nous accueillons de plus en plus de jeunes bacheliers, et même des étudiants,observe Chantal Fouqué, directrice de La Fabrique, à Paris, une école des métiers de la mode et de la décoration créée par la chambre de commerce et d’industrie d’Ile-de-France. Beaucoup se disent déçus par leurs études généralistes, trop théoriques à leurs yeux. Ils ressentent l’envie de travailler sur du concret, de créer quelque chose de beau, et de trouver du sens à ce qu’ils font. Les parents, eux, sont souvent plus réticents. »

Le système éducatif peu adapté

Loin d’être massif, le mouvement est freiné par le tassement de l’activité de certains secteurs, comme la construction. Mais il gagne du terrain – notamment à la suite d’erreurs d’orientation. Des étudiants en sciences humaines interrompent leur cursus après deux ou trois années en licence, même lorsqu’ils ne sont pas en échec. Certains se découvrent une vocation tardive. A l’instar de ce diplômé de Sciences Po reconverti dans… la plomberie. Ou de ces littéraires qui s’inscrivent à l’école de cuisine Ferrandi. Conscients du mouvement, les Compagnons du devoir ciblent de plus en plus les bacheliers généralistes et les « décrocheurs » venus de l’université. Toutes les filières menant aux métiers manuels ne bénéficient toutefois pas du même engouement. Le luxe et la mode, la gastronomie et les métiers de bouche attirent plus que le bâtiment…

Problème : ces jeunes bacheliers ne relèvent pas de la formation continue, mais ils peuvent difficilement s’inscrire en CAP. « C’est une lacune du système éducatif », déplore Chantal Fouqué. Pour résoudre le problème, la filière maroquinerie de La Fabrique les accueille avec ses adultes en formation continue. Et elle envisage de monter un contrat de professionnalisation avec Hermès. Le maroquinier de luxe, qui recrute quelque 200 jeunes par an, pourrait financer un fonds de dotation, tant ses besoins de main-d’œuvre qualifiée sont importants. Avec, pour les jeunes recrues, la perspective d’une évolution professionnelle très rapide.